photo couleur·poésie

Fondu au noir

la nuit sécable
en strates étage
au corps
son vestibule trop long
d’ogresse  
la nuit ramasse-étoiles 
fondue ralentie s’efface
sa pellicule à prise rapide figée
dans son noir 
se dévide vertébrale
la nuit poids mort
de caresse molle
son pesant d’or son silence lourd
sur mes paupières
la nuit sa matière sèche
sa densité ses profondeurs
ce déplacement d’air
d’obscurité
ce trou noir qui nous aspire
tombée dedans
comme lorsque j’étais
petite
Perle Vallens

atelier Tiers Livre·écriture·cinéma·hommage à·prose

Paris, Texas (2)

1 – Paris, grandes lettres bleues posées sur montants métalliques au milieu de l’herbe rase et déserte de Dragon Park, leur graphie vaguement circassienne. Le I est porté manquant, à la place ne subsiste plus que l’étoile signant son point. L’ombre portée des lettres s’écrase en entrelacs sur le vert dont on ne reconnaît plus que l’étoile, pleine et nette.

2 – Du love civic center, on se demande à quoi le bâtiment sert. On se dit qu’accoler love et civic manque quand même de romantisme. Au loin s’élève son effigie, celle de la ville, la fausse tour Eiffel coiffée de son chapeau texan rouge (le même rouge que la casquette de Travis dans le film de Wim Wenders). En deçà, le drapeau américain flotte.

3 – At Woodall Baseball Fields, sur le grillage, une pancarte annonce la couleur, noir sur blanc Please remember 1) these are kids 2) this is a game 3) coaches are volunteers 4) umpires are human 5) dont’ like what you see ?… Volunteer ! Au fond, faisant face à son entraîneur, l’enfant porte une casquette et un gant de base-ball rouges.

Rouge serait la couleur du Texas, il se dit. Du pur texan, une pièce de bœuf fumante tout droit sortie du grill. Relents de son repas, nimbes sanguinolentes. Sa langue claque. Il descend du pick-up, ôte ses lunettes de soleil, sa casquette aussi rouge que la carrosserie de sa Ford, essuie la sueur de son front, dévoilant une tâche de vin de la forme de Paris, Texas.

Perle Vallens

Nouveau clin d’oeil au film de Wim Wenders après le ciné-poème et le texte d’hier…

atelier Tiers Livre·écriture·cinéma·prose

A journey to Houston (1)

Cela se décide vite. Partir à Houston, not a big deal. Elle demande où on est. Il dit San Bernardino. Il ne sait pas mais cela fait environ 57 miles. Presque 100 km. Pas grand-chose sur les 2490 km jusqu’à Houston.

On longe des villes avec des nom de palm trees. Des palmiers il y en a partout sur le bord de la highway 10.

Le paysage file vite sur la quatre voies. On lit Live Oak, Canyon road. No yet.
Redlands. California. Lignes haute tension, panneaux publicitaires. Soleil blanc haut dans le ciel. Encore des palmiers. Cabazon et ses dinosaures. Et là ? Kitchin Peak.

A la vitesse de la lumière on mettrait 3 secondes.

Le paysage se pèle, frotté de blanc, sable piqué de plantes rachitiques à Desert Hot springs. Il mnéralise le temps et l’espace, les fige. On avance et tout semble identique, désert devant, derrière, à droite, à gauche. Chaleur de plomb. On se liquéfie, forcément.

A un moment, la fatigue et la faim creusent leur lit dans l’aplat désertique. Il est temps de quitter la route. Next exit, somewhere you don’t care. Alors, le premier motel venu dans l’espace marginal de l’histoire, dans sa discontinuité. Le motel est rupture temporelle. Le lendemain, on ne s’éternise pas, on repart dans le paysage, inchangé. L’étalage du blanc dans l’œil cligne, s’absente parce qu’à un moment on ne voit plus que l’asphalte, on ne compte plus que les miles engrangés.

Alors, Phoenix, Arizona. Tucson, Comté de Cochise, la poussière se soulève et envahit le champ visuel. Comté de Luna, Nouveau Mexique. Motel. L’air nous chasse de la route, de nous-même. El Paso, Texas.

On quitte l’autoroute, on s’engage dans une voie de traverse, on s’arrête à Marathon, Texas. Small, small town dans une zone rase. Quelques baraquements, pompe à essence, motels. Il y a ce panneau improbable, bridge may ice in cold weather.

Le sang de la route nourrit ce grain sableux, fluide de l’existence. On pourrait facilement se diluer dans l’identité d’un autre. On pourrait se rebaptiser Trevis pour l’occasion. On pourrait rouler dans une vieille Ford ou un pick-up du même genre. On n’aurait plus besoin d’atlas ou de carte routière, on suivrait la même route toute le temps, la Highway 10. On n’aurait pas besoin de se perdre.

Quelque part, devantures de vitrines, restaurants, parkings, panneaux indicateurs, surgis entre deux vastes étendues que la route met à découvert. Enfin, Houston, end of the journey. Là, s’asseoir sur un muret de béton et attendre que le soleil se couche dans l’horizon derrière les buildings.
Perle Vallens

Texte écrit en hommage au film de Wim Wenders, après le ciné-poème

atelier Laura Vazquez·avatar·poésie·prose

pixelisée

Je me télécharge. Trois fois je me lis dans le métavers.  Le scintillement est lumière bleue, clignote, murmure. Ici la paupière s’azure et se fripe. Le clavier chasse ses codes, le rayonnement au bout des doigts s’évapore, l’ongle s’incarne. C’est un rappel à l’ordre. Elle émet des signaux. Je reste à bonne distance de mon avatar. Il pleure non stop. Il ne s’y retrouve pas. Elle m’a perdue. Le réel s’est dissout, il a coulé à pic. Il a plu sans discontinuer dans cette poche d’air qui pulse. Il cherche et fouille à la recherche d’une vérité, d’une identité véritable. Il ploie. Il s’est égaré une fois de plus. Nous sommes à la merci et nous ne disons rien. Nous ne savons plus si nous existons vraiment. Au-delà est la vie.

Perle Vallens