poésie

Au bord

francesca woodman au miroir
Francesca Woodman

Tu m’as laissée sur le bord du chemin,
déroutée.
Je ne vois plus les bordures,
seulement le béton froid mangé d’herbes.
Je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez, froid aussi. Et rouge. Et qui coule.
Ca sort en eaux par les yeux, la bouche, le sexe. Voies de garage. Closes sauf pour la coulée, aucun barrage. Nulle barricade pour les paysages pornographiques qui défilent à perte de raison.
L’air est vicié, il a perdu sa clarté. Je respire encore dans ton sillage, avec toute la peine du monde.
Je me perds au bord de mon visage. Le teint est brouillé. La vue aussi. Je ne vois plus les bordures de ma vie.
Les eaux ont tout recouvert, et le brouillard comme une neige invisible.
Immobiles comme le temps.
©Perle Vallens

poésie

Laisse-moi

man ray
Man Ray

Laisse-moi caresser l’idée de toi à défaut de ta peau
Laisse-moi danser dans la solitude de tes reflets
Laisse-moi capturer ton image au filet de mes rêves troués
Laisse-moi récurer les lâchetés et l’ombre abîmée
Laisse-moi recycler les impuretés et toutes les déchirures
Laisse-moi manger les mues et les épluchures du désir
Laisse-moi laper les mots reprisés au fil de ta voix qui résonne encore
Laisse-moi me vêtir du parfum qui flotte de ton souffle absent
Laisse-moi faire de mes souvenirs un collier de pourpre, de pierre de lune
Laisse-moi en composer une parure de reine, une couronne de servante
Laisse-moi m’alanguir dans une traîne longue comme un ciel d’amoureuse et d’amante
Laisse-moi éveiller encore le scintillement fébrile et vain
Laisse-moi ne pas taire le bruissement muet de tes mains
Laisse-moi ramasser le frôlement de nos corps qui ne se touchent plus
Laisse-moi haleter l’insoutenable effervescence de l’attente de toi
qui ne reviendra pas
©Perle Vallens

Erotisme·poésie

Au cou

philippe Deutsch
Philippe Deutsch

 

Quand on ne s’y attend pas
Quand on ne s’y attend plus
Quand quelqu’un toque
à son cou

La claque
c’est pour colmater
le trou, tous les accrocs
sécher les flaques
calciner la peau
stocker les flots
cracker le cœur
la corde au cou

Court-circuitée
détraque moi
encore
bras en croix
plaque-toi à mon cou
ne m’écarte pas
offre-moi un miracle
me claque pas
entre les doigts
Il fait pas assez clair
pour partir déjà

Qu’est-ce que tu crois ?
Oui, je te racole !
Tu veux quoi ?
Que je m’arrache
que je crache
mon amour pour toi ?

Je garde ta trace
tes mots scellés
perles en collier
une parure serrée
au cou
©Perle Vallens

Erotisme·poésie

Always crashing (in the same car)

crash-1996
Crash, film de David Cronenberg

La lumière rouge défile
le long de l’échine
la peau s’éparpille
lisse dans l’oubli
d’une main invisible
le cœur se déplisse
c’est toujours lui
c’est le même fétichisme
sous l’onde de choc
c’est l’asile intime
c’est la larme qui brille
et le sexe qui brûle

Que reste-t-il ?
Franchir l’accidentel
l’immanence du désir
dépasser les zébrures
traverser les lignes
continues du plaisir
©Perle Vallens

En écoute, ainsi que d’autres textes, sur soundloud :

Et réécouter David Bowie… https://www.youtube.com/watch?v=hv7Y7F-Q2KE

 

Actualité·B-Sensory·Erotisme·steampunk

Les mystères de Boulogne, volet 7

Avant dernier de la série steampunk érotique, Les mystères de Boulogne, l’épisode 7 est paru aux éditions B-Sensory et met en scène la journaliste-aventurière Nellie Bly qui se façon totalement imaginaire, rencontre Nikola Tesla juste avant l’inauguration de l’Exposition universelle de 1889 à Paris. L’histoire se poursuit également pour les autres personnages, Edouard Louandre en 1885 et Marguerite Fournier en 1888.

mysteres-de-boulogne 7
En voici un extrait :
« La jeune femme indécise était tentée d’en savoir davantage mais elle dut se rendre à l’évidence : Nikola Tesla ne dirait rien de plus sur la façon dont il avait voyagé depuis New-York. En revanche, elle s’intéressa de plus près à la situation politique et aux mouvements anarchistes. Elle soutenait les élans féministes, bien sûr, ainsi que les volontés libertaires. L’on prônait en outre la liberté sexuelle outre-Atlantique. La contraception faisait des progrès plus évidents que sur le vieux continent. Il lui avait été difficile de parler avec des hommes et des femmes depuis qu’elle était à Paris des fameuses « capotes anglaises », que l’on trouvait pourtant sous le manteau. Elle en avait acheté elle-même mais l’hypocrisie semblait être davantage de mise à Paris qu’à New-York. À moins, sans doute, de fréquenter certains quartiers… C’est dans l’un de ceux-là qu’elle avait croisé un dénommé Bébert, cicérone* de son état, entre autres multiples petits métiers qu’il exerçait en dilettante. Il connaissait bien les endroits dévergondés, les cabarets à la mode et il guidait, moyennant une somme modique, les amateurs d’émotions fortes dans ces lieux de débauche. La jeune femme lui avait promis un reportage dans un journal new-yorkais, laissant entendre qu’une clientèle fortunée accourrait bientôt les poches pleines d’argent. « 

poésie

Vivre dans le feu (extrait) – Marina Tsvetaeva

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Gustav Klimt

Ai-je cessé de vous aimer ? Non, vous n’avez pas changé et je n’ai pas changé – non plus. Une seule chose a changé : ma concentration névralgique sur vous. Vous n’avez pas cessé d’exister pour moi, j’ai cessé d’exister en vous. Mon heure avec vous s’est achevée, reste mon éternité avec vous. Oh, attardez-vous un peu là-dessus ! En dehors des passions, il y a encore l’immensité. C’est dans l’immensité qu’a lieu désormais notre rencontre.

Marina Tsvetaeva