Dimanche 3 mars à partir de 18h30 au Lou Pascalou (Paris), à l’invitation de Mange tes mots, participation à la scène ouverte. Je lirai un texte inédit.
Mois : février 2024
Caviardage inversé SAS 19&20
Artichaut
douche froide l’effeuillage
d’artichaut
l’œil ivre s’entraîne à dénuder
les fils une faveur donnée
à l’électrocution facile du cœur
tachycarde saccadé convulse son manque
ce massage cardiaque
qui relance le désir et qu’exécute le praticien
celui des mieux disposés son entrain manuel
habile à la manœuvre
le franchissement barbelé du souvenir
érafle légèrement en surface
mais d’une flèche qui transperce
la peau déformée à laquelle on espère
qu’une main aimée se conforme
Perle Vallens
Un sang encore chaud sur Mange tes mots
Dans le prochain épisode de Mange tes mots, il sera question de femmes, d’âge, de cuisine. Ce sera ce soir à partir de 18h00, en écoute ici. Vous y entendrez notamment de ma part Un sang encore chaud.
Blanc
Blanc
où la trace s’enfonce
jusqu’à disparaître
s’ouvre un passage vers
espace à haute teneur
déracinée indéfinie frontière
entre l’avant et l’après
irréel
comme trop réel
évanoui
ce qu’il reste de violence en nous
éparpillée
impressions mortes
mais résurgence d’un souvenir
hypnose
sensation concentrationnaire
l’enfermement des mots
d’où rien ne surgit
chasse sur les terres
de personnes qui ne sont pas moi
à la recherche de l’autre
ce merveilleux
l’inconnu dérive
longues distances à parcourir
pour parvenir
là où l’amorce
la continuité flirte avec la discontinuité
en permanence
hameçonnée l’émotion
accrochée la transe
l’agencement sans pareil
inabouti certes
dansée l’instance
du semblable
un flottement
déraisonné flou
longiligne
dans la main tendue
l’étrange étrangeté se confronte
sans se confondre
en pluie tombés morceaux de moi
pièces d’un puzzle
pour un assemblage
plus grand
Perle Vallens
avec André Michaux
Ciné-poème 45 : croire aux éternels retours
Direction le Japon pour ce quarante-cinquième ciné-poème, croire aux éternels retours, sur un extrait de La balade de Narayama de Shôhei Imamura.
Sororité
on regarde depuis la face cachée de l’iceberg
tant d’amas de particules de cellules
tant de corps empêchés mais invaincus
noués déjà vus mille fois
on regarde ce qui se laisse dévorer
sans consentement et ce qui se relève
pouls à tout rompre – les os et les pierres
on regarde surgir côte à côte dans nos silences intercités
et nos pensées trop grande vitesse
pour écouter notre culpabilité et notre insouciance
où il est question de survie
on regarde avec la nécessité vivace
depuis nos yeux inversés trouver la force
de crever l’obscurité
l’œil plein embrasse
pile au centre de la paupière
l’œil plein de celles ne cligne pas
absorbe s’évase marathonne horizontal
c’est une expansion
non pas un assaut mais une assise
bordure où se poser suspendue
tracer son équilibre se tenir en tension
celles comme un seul bras
s’appuyant et soutenant tour à tour
vertébrale chacune
ossature d’un seul dos
Perle Vallens
Se taire
Ce que c’est que se taire, est-ce seulement ne rien dire ?
Celles qui se sont tues, est-ce parce qu’on les a fait se taire ? Aujourd’hui se tairaient-elles encore ?
Elles se taisaient peut-être parce qu’elles avaient de bonnes raisons. Ou peut-être étaient-ce de mauvaises. Bientôt, elles ne se tairont plus.
Nous aussi, comme elles on se taisait. Je me suis longtemps tue. Pourquoi ? Et toi, est-ce que tu te tais aussi ? Ou est-ce que tu parles ? Est-ce que tu oses parler ? Tes lèvres se sont descellées par je ne sais quel miracle. Car la parole est un miracle n’en doute pas. Même si parfois elle est aussi un mirage, un mensonge.
Quand on se tait, la vérité nous mord au sang. Notre vie nous échappe par les veines au lieu de se crier par la bouche. Je le sais car je l’ai vu. J’ai vu celle-ci obligée de se taire quand pleuvait les coups. La parole glissait quelque part en elle mais n’en sortait pas. Elle grossissait comme un cancer à l’intérieur parce qu’elle se taisait. Ça lui faisait comme un goitre, une grosseur. Ça la déformait. Une grimace sur son visage. Le silence n’est pas un apaisement, c’est une congestion.
Perle Vallens
Caviardage inversé SAS 17 & 18
La vieille automobile
La vieille automobile biplace décapotable ses roues si fines qu’on dirait jouet d’enfant et son chauffeur à casquette et belle moustache au-dessus du sourire belle allure dans son costume trois pièces et cravaté élégant présentation impeccable les mains fermes sur le volant véhicule prêt à démarrer dans l’attente d’un signal et son très jeune passager au regard qu’on dirait mélancolique ses cheveux très ras très blonds le col clair d’un vêtement à gros boutons d’où émergent les doigts fléchis paume posée sur la capote repliée quand à l’arrière sur ce qui semble être un siège de service où s’adosse un jeune homme portant veste d’étudiant et casquette tous deux siglés d’un écusson son visage flotte devant le feuillage et branches d’arbres d’un jardin qu’on pense parfaitement entretenu à tel point qu’on en vient à l’évidence du fait justement de ce jardin et l’apparence soignée des passagers du véhicule qu’il s’agit de membres d’une famille bourgeoise aujourd’hui disparue du moins en tant que bourgeois dont subsiste peut-être encore un esprit conservateur voire une âme passéiste chez des descendants sur lesquels plane une ombre de regret ou mélancolie à moins que rien de tout ça
Perle Vallens
(atelier sans ponctuation avec Claude Simon)